L’absolu féminin, entre ange et démon !
Raoudha Selmi exagère radicalement des personnages qu’elle fait évoluer dans un monde psychotique pour nous éveiller à cette vérité que certains épisodes de notre existence pourraient nous mettre face à des images de quasi-démons venus de mondes parallèle
- Sarrah O. BAKRY
L’une des manières les plus fécondes de lire cet ouvrage est simplement de se comporter comme un mathématicien qui ramènerait une équation à son expression la plus pure, sans fioritures et sans artifices. C’est de la sorte que l’on pourrait ramener le sens de ces nouvelles, qui naviguent entre le sordide et le fantastique, à des rencontres de tous les jours qui portent en elles des vices étonnants, nous laissant sans voix et sans réaction.
Le fantastique, le sordide et le surréaliste
Un recueil de 14 nouvelles et de 15 poèmes qui nous montre à quoi nous attendre dès les premières pages, alors que la solitude de femmes de tous âges dans l’attente du père absent accumule les névroses de la dépendance et du désespoir. Puis nous voici de plain-pied dans l’univers ourdi par Raoudha Selmi quand un journaliste et une peintre se rencontrent devant un tableau lacéré de symboles avant de découvrir qu’ils ont eu la même nourrice, celle dont l’odeur est celle de la terre après la pluie. Mais ce n’est pas un hasard, elle se révèle un démon venu d’un espace parallèle pour l’anéantir, un rapace de nuit que le destin à dépêché pour mettre fin, non pas à son existence, mais à sa souffrance. L’auteur revisite ainsi le sordide et le surréaliste dans une variante entre les contes des grands auteurs du genre et les histoires d’angoisse que nous nous sommes laissé conter dans notre enfance de Maghrébins croyant dur comme fer aux djinns et aux émanations sataniques. Et voici un tueur en série qui supprime ses voisines avant d’en placer des quartiers entiers dans son frigo, une coiffeuse à faire dresser les cheveux sur la tête, un enfant qui défie une âme damnée, une femme détenue par un satyre dans un lieu de réclusion où elle n’a d’autres compagnes que des psychotiques irréversiblement aliénées.
Une nouvelle femme qui n’est pas entravée par la dépendance Des scénarios de films d’horreur qui semblent piocher dans les pires cauchemars à la recherche de chimères fantastiques qui sont là, à l’affût, dans la pénombre, guettant le moment propice pour dévaster une existence déjà ravagée par la confusion. Comment ? Tout simplement en tirant profit de sa propension au vice. C’est le point faible dans les armures, celui qui permet aux femmes d’attirer les malheureux dans des traquenards impossibles à éviter, exactement comme le font les hommes en tirant profit d’un moment d’inclinaison au vice, souvent dans un vie par ailleurs rangée et conventionnelle. Car les femmes ont leur revanche dans l’ouvrage, elles sont aux premières loges, pas toujours victimes. Au contraire, l’auteur se plaît à leur accorder des pouvoirs de magique séduction qui l’emporte sur l’homme à tous les coups, semblant rappeler que, dans l’arbre généalogique des esprits du mal, les sirènes sont parées de tous les atours mais restent dans ce qu’elles sont par nature : des démons. Ces personnages ne sont donc pas menés par les événements, elles en sont les instigatrices, elles ont leur propre logique, elles ont leurs plans, leurs propres appétits, ne reculent pas devant l’action. De quoi tisser un caractère, les traits du portrait-robot d’une nouvelle femme qui n’est pas entravée par la dépendance, un être wagnérien qui porte la promesse de tout un monde gravitant autour de cette nouvelle femme. C’est l’Or du Rhin à rebours, avec des Walkyries qui ne se préoccuperaient pas d’amener les héros tombés dans la bataille vers le Walhalla mais qui prendraient les devants pour signifier que l’homme nouveau promis par la trilogie peut être avantageusement remplacé par une femme nouvelle.. Jeunes femmes effarouchées, 107 p., mouture arabe Par Raoudha Selmi Editions Zayneb, 2017 Disponible à la librairie Al Kitab, Tunis.
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